Protéger les savoirs traditionnels kanak

 

Le 19 mars, l’IRD a remis à l’ADCK un caisson d’un millier de fiches ethnobotaniques contenant près de 500 remèdes et a signé une lettre d’intention avec le Sénat coutumier. Un premier geste historique qui symbolise la reconnaissance des savoirs traditionnels kanak.

 

© Sénat coutumier. Première réunion entre le Sénat coutumier et l'IRD, le 3 mars dernier.

 

C’est un geste historique. Le 19 mars, lors d’une cérémonie coutumière au centre culturel Tjibaou, L’Institut de recherche et de Développement (IRD) a confié à l’ADCK, un caisson renfermant 1 171 fiches d’enquêtes ethnobotaniques, classées par régions et collectées sur le terrain.

Cette action s’inscrit dans la démarche initiée par le Sénat coutumier et visant à valoriser et protéger les savoirs traditionnels kanak. Afin de refonder les relations entre les autorités coutumières kanak détenteurs des savoirs traditionnels et les organismes de recherche dont l’IRD, le Sénat coutumier avait rencontré l’institut de recherche le 3 mars 2016 et reçu le directeur général de l’IRD France le 11 mars 2016 en déplacement en Nouvelle-Calédonie.

La journée du 19 mars s’inscrit dans cette démarche et comprend deux grandes avancées :
- la signature d’une lettre d’intention entre l’IRD, le Sénat et l’ADCK
- la remise du caisson comportant les fiches ethnobotaniques.

Dans ce caisson, chaque fiche correspond à une plante calédonienne et à ses vertus médicinales. Des données qui comprennent le nom de l’informateur, l’appellation locale de la plante, ses modes de préparation et les usages associés. Ce vaste travail d’enquête, l’IRD le doit à la scientifique Dominique Cortadellas-Bourret, aujourd’hui à la retraite. De 1974 à 1981, l’ethnobotaniste a sillonné la Calédonie pour recueillir l’équivalent de 500 recettes traditionnelles. Un bouquet de cordyline à la main (symbole de la femme dans la coutume), le sénateur Cyprien Kawa a salué son travail, évoquant le rôle de « transmission » de la femme kanak.

L’ouvrage de Dominique Cortadellas-Bourret est désormais disponible sur le site de l’IRD et sur celui du Sénat.

Vous pouvez le consulter et le télécharger en cliquant sur ce lien : « Bonnes plantes de Nouvelle-Calédonie et des Loyautés ».


Par ce geste hautement symbolique, l’institut entend promouvoir le « respect » et le « partage» des connaissances traditionnelles. « Nous avons la responsabilité sociale, sociétale, de retourner le savoir à ceux qui les ont instruits, a expliqué Jean-Marc Chataîgnier, directeur général délégué de l’IRD. Un savoir que nous allons continuer à travailler et à enrichir. »


Lettre d’intention en attendant une loi

 

© Sénat coutumier. Plusieurs memebres du Sénat coutumier visitent l'herbier de l'IRD


Le 19 mars, une lettre d’intention liant le Sénat coutumier, l’IRD et l’ADCK a également été signée. Ce document prévoit que :
« L’IRD, membre du CRESICA, s’engage, sans que cela ne soit un obstacle à la poursuite des travaux de recherche en cours et/ou projetés à :

- informer l’ADCK, avant de débuter les recherches dans la mesure du possible, des travaux de terrain et des possibilités de valorisation (publications, brevets etc.)

- mentionner explicitement dans toute publication scientifique (ou document de valorisation des résultats tels que les brevets) le lieu de stockage des informations relatives de la ressource biologique ou culturelle, les personnes associées éventuellement à cette collecte, les savoirs locaux recueillis sur la ressource, si accord des informateurs ;

- organiser, une fois par an, en collaboration avec l’ADCK, à l’intention des conseils et du Sénat coutumiers une journée de restitution et d’information sur les travaux de recherche conduits par l’IRD ;

Cette lettre d’intention permet de clarifier les relations du passé et d'ouvrir de nouvelles coopérations y compris dans différents domaines que l'Institut s'est fixé dans ses missions de service public. Elle ne remet pas en cause les travaux menés par le Sénat coutumier et les Conseils coutumiers qui sont relatifs à l’accès, à la protection et l’exploitation des savoirs traditionnels et des connaissances culturelles associées à la biodiversité. »

Ce partenariat avec la communauté scientifique représente un grand pas en avant. A ce jour, aucun texte ne préserve la Calédonie des abus de confiance, bien que le Sénat coutumier ait déposé un projet de loi du Pays au Congrès.

Ce projet de loi vise à une transposition complète du protocole de Nagoya - sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation - par le Congrès et les trois provinces.

 

Rencontre avec les archéologues

Sur la même thématique de la protection des savoirs traditionnels et des terres coutumières, le Sénat coutumier a également, rencontré, le 9 mars dernier, L’Institut Archéologique de la Nouvelle-Calédonie et du Pacifique (IANCP). Une équipe de 8 personnes, conduite par l’un des archéologues fondateurs de l’IANCP a ainsi été reçue pour présenter le bilan de 5 années de travail et évoquer les perspectives d’avenir. Il a surtout été question de la place et l’implication des autorités et institutions coutumières dans la politique archéologique dans notre pays car les terres coutumières font partie de l’identité kanak et relèvent de la compétence du sénat coutumier.

A cet effet, il est envisagé des discussions plus approfondies avec toutes les collectivités et institutions de la Nouvelle-Calédonie.

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